AED
tarification eau tunisie

L’Association Eau et Développement AED a organisé le Samedi 28 Novembre 2020 un webinaire portant sur la tarification de l’eau potable et de l’irrigation. Les communications y afférentes ont été présentées respectivement par Monsieur Jalel Hazgui de la SONEDE et Madame Najet Gharbi de la Direction Générale du Génie rural et de l’Exploitation des Eaux (DGGREE).
L’objectif de ce webinaire était de présenter le système de la tarification de l’eau potable et de l’irrigation en Tunisie, les défis et les enjeux du secteur et ses perspectives.
Mme Awatef LARBI MESSAI, vice-présidente de l’AED a ouvert le webinaire en souhaitant la bienvenue aux participants et en présentant les activités de l’association avec un adieu à son fondateur et trésorier M. Rachid Khanfir qui nous a quitté récemment.
M. Haykel MOSRATI secrétaire général adjoint de l’AED a assuré la modération de ce webinaire.
Introduction :
La tarification est principalement un outil d’incitation à l’économie d’eau qui permettra de faire face aux différents enjeux auxquels la Tunisie est confrontée tels que la rareté de l’eau, la surexploitation des nappes souterraines, l’augmentation de la demande en eau, l’amélioration de la qualité de vie et à la nécessaire mise à niveau des infrastructures hydrauliques.
Par conséquent, une politique efficace a été instaurée aussi bien dans le secteur de l’eau potable que de l’irrigation néanmoins sa mise en place a rencontré de multiples contraintes.
Suite aux deux présentations, les discussions ont été axées autour des aspects suivants :
1-La Tarification de l’eau potable :
– L’aspect économique de la tarification : l’objectif de la tarification est d’inciter les ménages à consommer moins d’eau à travers un tarif progressif dont le passage d’un bloc tarifaire à un autre entrainera l’augmentation substantielle du montant de la facture.
La réduction des fuites grâce au recouvrement des frais fixes qui permettent d’effectuer la maintenance et le renouvellement des conduites à temps.
– L’aspect social de la tarification : Depuis sa création, la SONEDE a entrepris une politique tarifaire favorisant l’accès des populations défavorisées à l’eau potable en appliquant des tarifs sociaux dans la première tranche (0-20 m3). Malheureusement, cette tranche sociale bénéficie également aux ménages aisés ayant un logement secondaire. En fait, l’absence d’une base de données fiable de la population la plus démunie ne permet pas de faire un ciblage rigoureux de la classe sociale. En effet, le tarif de l’eau potable en Tunisie est classé parmi les tarifs les plus bas dans le monde ce qui ne constitue pas un problème au niveau de la capacité de paiement des ménages. Selon des études récentes, la facture de l’eau en Tunisie ne représente que 1% du salaire moyen mensuel.
– l’aspect financier de la tarification : le prix de vente de l’eau potable ne permet pas de couvrir le coût du revient. A la SONEDE, l’écart enregistré en 2020 est de 240 millimes dû principalement à l’absence d’un mécanisme d’augmentation automatique de la tarification pour couvrir tous les coûts d’exploitation et de maintenance.
En effet, ces augmentations tarifaires restent tributaires de la décision politique. Toutefois, les révisions tarifaires n’arrivent même pas à couvrir l’inflation générale alors que les charges d’exploitation augmentent sans cesse, en particulier les frais d’énergie et de personnel.
A ce niveau, les participants ont signalé que l’augmentation tarifaire n’est pas le seul levier pour rétablir la situation financière de la SONEDE. Il faut agir également sur les charges d’exploitation notamment l’énergie via les énergies renouvelables.
– Les eaux non conventionnelles : le dessalement de l’eau de mer est une solution très importante pour combler les déficits de certaines régions en eau potable mais elle est très couteuse et aggrave la situation financière de la SONEDE sans révision tarifaire. Par ailleurs, elle est polluante et constitue un risque à l’environnement marin.
– Le renouvellement des conduites : la SONEDE dispose plus que 55000 km de réseau étalé sur tout le territoire tunisien. Le taux de renouvellement annuel ne dépasse pas 0,5% (normalement entre 2% et 2,5% par an). Cette opération nécessite un investissement colossal pour réhabiliter le réseau conformément aux normes. L’absence de la subvention de l’Etat aggrave la situation et augmente les risques de coupures d’eau notamment dans la période estivale.
2- La Tarification de l’eau d’irrigation
Malgré les efforts déployés pour inciter les usagers à économiser l’eau, les agriculteurs profitaient de la baisse des prix de l’eau d’irrigation et utilisaient les volumes subventionnés par l’Etat pour irriguer les cultures non concernés par cette tarification telles que les cultures maraichères. En fait, les tarifs sont faibles par rapport aux couts d’exploitation et d’entretien des réseaux dans la majorité des périmètres irrigués.
Par ailleurs, l’étude tarifaire réalisée indique que les agriculteurs ont la capacité de paiement de leurs factures dans la majorité des cas et des périmètres sachant que le cout d’exploitation et d’entretien ne dépasse pas 24 à 30% du revenu des agriculteurs.
Dans le secteur irrigué et à l’instar de la SONEDE, les CRDA et les GDA sont actuellement en situation de déséquilibre financier. En fait, les dettes des GDA vis à vis des CRDA s’élèvent en 2018 à 70 Million de dinars ce qui entrave leur viabilité financière et crée un déficit financier important au niveau des CRDA surtout dans les PPI du nord du pays à gestion partagée, et donc la pérennisation de ces PPI. Le tarif de vente de l’eau irriguée est de loin inférieur au prix de revient. En fait, ce dernier ne tient pas compte du cout de la mobilisation des ressources qui est à la charge de l’Etat.
Malgré cette situation financière, un projet pilote de dessalement des eaux saumâtres a été réalisé en 2016 à Gonat à Mahdia au profit de 76 agriculteurs mais pour des primeurs sous serres à haute valeur ajoutée. Quelques autres projets sont en cours d’étude.
3- Perspectives :
– Pour l’eau potable : ajustement tarifaire régulier pour couvrir les coûts, rationalisation des coûts liés à l’énergie, la maîtrise de l’enjeu du dessalement de l’eau de mer, la gestion de l’extension de la desserte rurale et la mise en place d’une redevance fixe par zone, par type de logement et par tranche de consommation.
– Pour l’eau d’irrigation : en 2019 une augmentation des tarifs a eu lieu dans quelques PPI mais une vision stratégique est adoptée pour l’augmentation annuelle des tarifs sur une période de 5 ans à partir de 2020 afin d’aboutir à un recouvrement des couts d’exploitation et d’entretien dans une premier étape avec une indexation selon l’augmentation des couts. Ensuite, les couts de renouvellement des équipements de pompage est à adopter dans une 2ème étape durant 5 ans supplémentaires.
Une modulation des augmentations tarifaires en fonction de l’état général des infrastructures des PPI et de la qualité de service de l’eau est prévue.

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